Dans ce monde il faut être trop bon pour l'être assez
Un shoot de bonheur
Le théâtre de la joie
par Clément Martin
Se fendre d’une explication, donner de la voix, écrire une note d’intention.
Nous montons « Le Jeu » d’après le « Jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux avec notre compagnie des cerveaux à plumes. Nous sommes des pirates, nous sommes des mammouths, nous mangeons des asticots (par la racine).
Ceci étant posé, nous montons Marivaux pour ses vertus de remède à la mélancolie. Notre intention est la lutte contre la monotonie ambiante saupoudrée de panique terroriste. Pas de prétentions de changer le monde mais l’objectif d’aller au cœur de la comédie avec l’aide d’un génie de la légèreté et de l’amour naissant. Vous serez prévenus, on est là pour être heureux.
Ne sommes-nous pas, nous parisiens, usés par notre ville dure, mais belle, où l’on se bouscule dans le métro, où l’on manifeste et l’on crie, où les trains sont en grève et où le 13 Novembre 2015, à l’angle d’une rue, l’une de nos comédiennes se fait tirer dessus par hasard, pour rien, comme ça, parce qu’elle et les balles passaient par là ?
Quand notre amie remarche et revient au conservatoire du Xeme arrondissement de la ville de Paris où nous étudions la comédie et que malgré tout, elle joue une servante dans Andromaque comme on interpréterait une héroïne de Marivaux, l’évidence est là. Il nous faut défendre la joie et la simplicité. Il faut défendre la bienveillance et la gentillesse, idéal initial, idéal de l'enfance dont les contradictions quotidiennes continuent d'alimenter ma perplexité.
Il faut défendre la gentillesse dans les théâtres parce qu’ils sont les caisses de résonance de la société et qu’ils résonnent très gravement ces temps ci. Shakespeare, représenté principalement par ses tragédies, était une fois encore l’auteur le plus monté en France l’année dernière. Or nous sommes fâchés avec sa croyance dans le mal absolu. Au Richard shakespearien, nous opposons l’Orgon de Marivaux. À ses personnages, détestables, vénaux et malveillants, nous opposons les joyeux drilles du Jeu de l’amour et du hasard, que notre lecture permet de tous voir bons et bien intentionnés et qui, somme toute, sont plus humains, plus réels, plus concrets.
Voilà ce qui tend notre projet.